Neurone
www.atelierblanc.net/neurone
En 2003, l’association Lumen a organisé les 4e Rencontres photographiques d’Orléans sur le thème « La guerre hors-champs ». À travers ce festival, Lumen souhaitait aborder la question des conflits, sans faire appel au photo-reportage de guerre ou à l’actualité brûlante. Il s’agissait de présenter le travail de photographes, de cinéastes, d’artistes, qui ont une préoccupation pour le sujet de la guerre, sans pour autant être dans sa représentation au premier degré. Lumen a demandé à l’artiste Bruno Saulay de proposer un travail spécifique. Bruno Saulay est plasticien. Il n’oriente pas son travail sur les conflits. Utilisant la photographie, il porte un autre regard sur ce qu’est pour lui la guerre.
Son projet, intitulé Neurone, est composé de photographies noir et blanc d’objets et de lieux du quotidien (la voiture, l’appartement, les papiers qui traînent…). Il y appose des phrases ou des suites de mots tirées de ses lectures. Pour le festival, il a présenté une grande affiche dans La Borne, outil itinérant de l’art installé sur le parvis du Carré Saint Vincent. Il a également fait imprimer une série de cinq images de petit format, disséminées au sol dans La Borne et dans les lieux d’Orléans investis par le festival.
À travers Neurone, Bruno Saulay parle de la relation individuelle au conflit, pas tant aux guerres elles-mêmes qu’à notre fort intérieur. Face à cette violence, à son traitement médiatique qui passe d’une misère des hommes à l’autre, Neurone impose de s’arrêter quelques minutes pour se demander : « Que suis-je dans tout cela ? ». Comment réagir à l’afflux d’informations sur lesquels on n’a pas prise ? Comment se sentir concerné sans culpabilité, continuer de croire en quelque chose, sans tomber dans le cynisme, en restant lucide ?
La force des images/textes de Neurone tient autant à leur contenu qu’à leur forme. Le contenu d’abord : des images banales, dont le noir et blanc semble suspendre le temps, des textes courts, parfois énigmatiques, comme des slogans. La forme ensuite : usage du tract, du flyer, de l’affiche collée, d’Internet, tous outils de la publicité. Bruno Saulay utilise les supports commerciaux qui nous sollicitent et auxquels nous sommes constamment soumis. Il s’empare de cet ambiguïté pour la détourner de sa fonction première.
Car au fonds, il nous dit qu’il faut savoir faire une pause dans ce brouhaha qui s’accélère : les conflits armés au loin sont aussi les conflits en nous-mêmes, proches mais que l’on ne prend pas le temps de connaître. Il suggère que tout est lié, de notre personne au devenir de cette planète. La guerre commence au jour le jour, chez chacun de nous.
Pendant l’année 2005, Bruno Saulay poursuit ce projet en lui donnant une extension sur Internet . Le site Neurone (www.atelierblanc.net/neurone) a été créé, où des images et des textes sont visibles. Mais, à la différence de 2003 où l’artiste « composait » le mixage entre une image et un texte, c’est au visiteur de proposer ses associations. Chacun peut en s’inscrivant, proposer un texte, une image ou un mixage d’éléments déjà existants. La présentation du projet à Images du Pôle en décembre 2005 permettra de découvrir l’ensemble de ces contributions.
À nous d’aller se confronter à ces images et ses mots et de penser la manière de se situer dans ce monde en constant déséquilibre. À nous de réfléchir à ce que l’on est au quotidien dans le rapport aux autres… Neurone ne cherche pas à répondre aux questions que nous nous posons plus au moins clairement. Il incite simplement à faire avancer nos interrogations.
Une production des associations Atelier blanc (http://www.atelierblanc.net/) et Lumen.